Quelles solutions pour préparer le territoire pour les générations futures ?
Deuxième atelier thématique
Placé sous le slogan « Un territoire pensé pour les générations futures », le deuxième atelier thématique de l’initiative « 2030.lu - Ambition pour le futur » a attiré samedi dernier près de 100 représentants de la société civile au « Cercle Cité » pour débattre publiquement des solutions à apporter aux problèmes et défis du Luxembourg dans les domaines de l’environnement, de l’économie verte, de l’énergie, du logement et des infrastructures.
L’animateur de la matinée, M. Gabriel Boisante, a souhaité la bienvenue aux nombreux participants avant de passer la parole à M. Marc Wagener, coordinateur général de l’initiative 2030.lu, qui a brièvement exposé les enjeux des thèmes abordés et a rappelé que l’objectif du débat thématique était de trouver des pistes de solutions. M. Wagener a ensuite présenté la nouvelle plateforme d’échange, de discussion et de débat sur Internet que l’initiative a récemment lancée pour améliorer la transparence et faciliter l’accès aux pistes proposées jusqu’à présent dans le cadre de la campagne. Ce nouvel outil inédit, accessible via le site www.2030.lu, permet également de soumettre les idées au vote du public de manière à ce que celles qui récoltent le plus de suffrages apparaissent en tête de liste.
2030.lu : Workshop du 11 mai - 1. Introduction de M. Marc Wagener from 2030.lu on Vimeo.
La collaboration intercommunale comme solution au problème du logement
Premier orateur de la matinée, M. Christian Schulz, géographe et professeur à l’Université du Luxembourg, a présenté ses solutions dans les domaines de l’aménagement du territoire et de la mobilité. Selon M. Schulz, la politique d’aménagement du territoire du Luxembourg, qu’il a qualifiée de jeune et ambitionnée, se caractériserait par une dynamique de développement très soutenue. Malheureusement, la concrétisation de la politique d’aménagement se heurterait trop souvent encore à la structuration administrative du territoire qui accorderait trop de pouvoir de décision aux communes, qui n’auraient qu’un intérêt très limité à participer à des concepts nationaux d’aménagement du territoire. Des prises de décisions politiques trop longues, qui seraient en plus compliquées par l’existence du double mandat des députés-maires, en seraient le résultat. Après ce bref diagnostic, le professeur Schulz a présenté quatre pistes de solutions concrètes. La première solution consisterait à décentraliser le commerce de détail pour éviter que les grandes surfaces se concentrent en périphérie des grandes agglomérations, ce qui obligerait actuellement les habitants à utiliser leur voiture pour faire leurs achats. Selon le professeur, une plus grande proximité du commerce de détail pourrait soulager le trafic dans et autour des agglomérations urbaines. La deuxième solution proposée par M. Schulz tient en un mot : intercommunalité. Par l’approfondissement des relations intercommunales le pays pourrait à ses yeux en effet gagner en compétence, expertise et capacité d’action. A cause de la petite taille de la majorité des communes, les responsables communaux ne disposeraient pas toujours des compétences techniques et humaines nécessaires en matière d’aménagement du territoire, ce qui les obligerait à recourir à des prestataires externes, qui n’agiraient pas toujours dans l’intérêt global du pays. La solution préconisée par M. Schulz prévoit l’établissement d’associations d’études et de planification intercommunales pour des régions regroupant au moins 10.000 habitants.
Comme 3e solution, M. Schulz a proposé d’élaborer, toujours par le biais d’une collaboration interrégionale renforcée, un concept de transport transfrontalier commun. Celui-ci proposerait des grilles horaires optimisées, des tarifs uniques au niveau interrégional et un système d’information multilingue pour tous les clients. Comme dernière piste, le professeur a proposé que le Luxembourg se positionne davantage comme pionnier en matière de solutions innovantes dans le domaine de l’aménagement du territoire, au lieu de se contenter d’adapter des projets innovants qui ont déjà fait leurs preuves à l’étranger. Pour 2030, le professeur a souhaité que le Luxembourg se donne l’ambition de développer au moins un projet durable qui puisse servir de modèle aux pays voisins.
2030.lu : Workshop du 11 mai - 2. Intervention de M. Christian Schulz from 2030.lu on Vimeo.
Rétablir une relation saine et respectueuse avec la nature
Sous le titre « Ignorer les limites écologiques de la planète ne les fera pas disparaitre » Mme Pascale Junker, économiste de l’environnement chez LuxDevelopment, s’est intéressée principalement au comportement quotidien des résidents au Luxembourg. Mme Junker a souligné que le Luxembourg présentait un flagrant déficit écologique et énergétique. En effet, le pays afficherait des taux de consommations record pour un territoire aussi exigu. Si tous les pays du monde consommaient autant que le Luxembourg, il faudrait 6 planètes pour subvenir aux besoins de consommation. Mme Junker a expliqué qu’en même temps le processus de raréfaction des ressources ne facilitait guère les choses. Pour faire face aux menaces écologiques et énergétiques, l’experte a présenté plusieurs propositions en les classant selon des « seuils de douleur », donc selon les niveaux de sacrifices à consentir pour leur mise en œuvre. Parmi les mesures ne provoquant pas ou peu de douleur, elle a notamment cité en exemple des gestes basiques comme l’élimination des gaspillages, fuites et pertes évitables. Selon Mme Junker ces gestes simples ne suffiraient cependant pas à modifier fondamentalement la donne. Pour cela il faudrait prendre des mesures bien plus douloureuses, qui exigent un changement profond de nos habitudes et mentalités. L’homme devrait notamment rétablir une relation plus saine avec la nature, dont il se serait trop éloigné pour ne plus la considérer que comme une ressource à exploiter. L’homme devrait donc faire preuve de plus de respect et d’humilité dans son comportement quotidien. Sur la même lignée, Mme Junker a proposé de développer l’« urban mining », qui consiste à transformer systématiquement les déchets urbains en ressources, ou encore la densification de l’habitat et le partage ou la mise en commun d’équipements. Si ceci ne suffisait pas, il faudrait probablement recourir à des méthodes encore plus douloureuses comme le rationnement des ressources ou l’implémentation de quotas de m2 habités ou d’émission de gaz à effet de serre ; toutes des mesures qui iraient de pair avec un renchérissement des ressources et des aliments. Au niveau gouvernemental, elle a proposé que les autorités mettent en place, avec une partie des recettes tirées de la vente de carburants, une réserve monétaire pour parer aux crises écologiques et/ou énergétiques futures, fixe des plafonds de consommation/émission ou encore exige des durées de vie minimum pour certains produits. Elle a estimé par ailleurs qu’il faudrait réfléchir à taxer davantage les ressources, les déchets et les émissions plutôt que le travail, qui est créateur de valeur ajoutée.
2030.lu : Workshop du 11 mai - 3. Intervention de Mme Pascale Junker from 2030.lu on Vimeo.
Un besoin de 130.000 nouveaux logements d’ici 2030
M. Patrick Bousch, directeur administratif chez CEPS/Instead, a ouvert son intervention par un diagnostic du marché du logement, dans lequel le chercheur s’est surtout intéressé à l’évolution des prix. La tendance peu réjouissante des prix de logement serait attribuable à plusieurs facteurs, à savoir un solde migratoire et naturel positif, une transformation sociologique des structures des ménages et une augmentation de la surface moyenne habitée. En se basant sur les statistiques du CEPS/Instead, le chercheur a estimé que le Luxembourg aurait besoin de 130.000 logements d’ici 2030, ce qui représente en moyenne 7.500 nouveaux logements par an. Avec l’évolution actuelle du marché immobilier (2.500 à 3.000 logements sont mis sur le marché tous les ans en moyenne, avec toutefois une tendance haussière sur les dernières années), le Luxembourg serait « loin du compte ». Pourtant des solutions existeraient : M. Bousch a ainsi plaidé pour une plus grande densification des zones urbaines et pour une promotion renforcée des logements sociaux, sachant que le Luxembourg n’en dispose que de 3.000 (un des taux les plus faibles en UE). Pour combattre cette pénurie, l’intervention des pouvoirs publics dans le marché de logements abordables ne suffirait pas et il faudrait par conséquent élargir le champ d’intervention des promoteurs privés. Une autre solution serait de mettre en place des opérateurs fonciers publics opérant à l’échelle régionale pour rendre la mobilisation des terrains constructibles plus facile et abordable. Pour cela, il faudrait fixer des zones de constructions prioritaires pour les logements sociaux, qui seraient déclarées en partie d’utilité publique (par le biais de plans d’aménagement généraux communaux). M. Bousch a finalement déclaré être en faveur d’une taxation des logements vides et de mesures pour soutenir, voire forcer, davantage l’aménagement des terrains vacants (« Baulücken »).
2030.lu : Workshop du 11 mai - 4. Intervention de M. Patrick Bousch from 2030.lu on Vimeo.
Promouvoir des quartiers d’un type nouveau
Le dernier orateur de la matinée, M. François Thiry, associé de Polaris Architects, a abordé les thèmes du logement et des modes de vie. D’emblée, l’architecte a estimé que l’attention qu’on accordait actuellement à la seule efficience énergétique des bâtiments ne suffisait pas, mais qu’il fallait analyser et agir davantage sur le comportement des habitants. L’objectif devrait être de former des citoyens experts avec un sens aigu pour leur environnement. En citant un projet d’éco-quartier à Hollerich en exemple, M. Thiry a énuméré une dizaine de comportements qui pourraient refléter les modes de vie de demain. Des modes de vie qui ne consommeraient pas d’énergie fossile, qui utiliseraient des matériaux sains et durables, qui entretiendraient un contact direct avec la nature, qui préserveraient le jardinage dans les zones urbaines et qui assureraient un réseau de transport public efficient et attrayant. Ces quartiers d’un type nouveau seraient animés par des équipes formées qui seraient à l’écoute des habitants et seraient habilitées à proposer des solutions aux problèmes qui pourraient éventuellement surgir dans le quartier. Il serait tout aussi important que ces quartiers intègrent des entreprises et emplois afin d’éviter qu’ils ne se transforment en cités dortoirs.
2030.lu : Workshop du 11 mai - 5. Intervention de M. François Thiry from 2030.lu on Vimeo.
Après les interventions des orateurs, deux vidéos « best practice » ont été projetées. La première a porté sur le quartier Vauban à Freiburg (Allemagne) et a illustré comment les urbanistes ont réussi à instaurer un mode de vie plus sain et écologique. La deuxième vidéo a retracé l’histoire de l’exploitation des énergies fossiles et a proposé de s'affranchir de la dépendance coûteuse à ces énergies en promouvant des modes de vie plus résilients.
2030.lu : Workshop du 11 mai - 6. Débat avec le public from 2030.lu on Vimeo.
La deuxième partie de la matinée a été entièrement consacrée au débat et le public a été invité à partager pendant plus d’une heure ses idées et pistes de réflexions sur les sujets évoqués. Il a finalement appartenu à Mme Beck, professeur d’histoire à l’Athénée du Luxembourg, et à Michel Wirth, membre du Parlement des jeunes, de tirer un premier bilan de la matinée. Les nombreuses interventions du public et les idées exprimées avec beaucoup d’engagement et de verve ont été enregistrées et seront publiées, tout comme les exposés des orateurs, sur le portail 2030.lu.
2030.lu : Workshop du 11 mai - 7. Conclusions from 2030.lu on Vimeo.
Prochain workshop le samedi 15 juin
Le troisième atelier programmé dans le cadre de l’initiative « 2030.lu-Ambition pour le futur » aura lieu le samedi 15 juin de 9h15 à 12h30 et portera sur les thèmes de l’indépendance financière, de la productivité et de la création de richesse. Cet atelier se déroulera en première partie sous forme de « hearing ». Les noms des intervenants seront communiqués sous peu le site 2030.lu. Une large partie de la matinée sera à nouveau réservée au débat et échanges avec le public qui seront animés par Gabriel Boisante. Informations et inscriptions sur www.2030.lu.